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Enseignement

L'enseignement traditionnel s'inscrit dans la relation très asiatique du maître et de l'élève ou sensei/kōhai. La transmission n'existe pas en dehors de cette relation. Le maître affermit l'élève dans la juste acquisition des gestes et postures. Il enseigne non pas en démontrant, mais en montrant le geste correct, en incarnant le modèle à suivre. Il pourra aussi le cas échéant, intervenir directement sur un pratiquant, en corrigeant sa posture. Le seul discours logique revient toujours aux différentes étapes d'un tir hassetsu ; bien entendu, des remarques sont aussi formulées, mais jamais professées. Lorsqu’un européen découvre cet apprentissage, il est confronté à un non dit qui n'a pas de substance. Le caractère de cet apprentissage désoriente les occidentaux pour qui un apprentissage devrait être contradictoire et mentalement assimilable.

La fédération internationale définit le kyūdō par deux courts textes anciens :

   le Raiki Shagi et le Shaho Kun.

   Ils traitent entre autres de l'attitude juste pour tirer, de la condition mentale du tireur, de l'archétype dans l'ouverture de l'arc, de la séparation de la flèche et du tireur. Cette définition permet de différencier le kyūdō avec d'autres types de tirs qui se feraient aussi avec un arc de kyūdō. 

   Son expression la plus concrète se matérialise à travers des formes de tirs en groupes appelés « sharei ». Dans un sharei l'harmonie entre les tireurs, la justesse d'un tireur dans son tir et par rapport aux autres sont mises en évidence.

Technique

Hassetsu :  les huit étapes du tir

Le tir lui-même se déroule en huit phases distinctes et consécutives, appelées « hassetsu ». L’archer apprend et suit cette succession très structurée de phases. C'est une liste d'étapes et de détails pour organiser les mouvements hiérarchisés du tir en incluant le moindre élément. Elles sont nommées par des termes japonais avec une traduction admise pour les francophones :

  1. Ashibumi : « enracinement des pieds ».

  2. Dozukuri : « affermissement de la posture ».

  3. Yugamae : « éveil de la vigilance ».

  4. Uchiokoshi : « élévation de l'arc ».

  5. Hikiwake : « extension répartie ».

  6. Kai : « union ».

  7. Hanare : « séparation ».

  8. Zanshin : « persistance de l'esprit » ou « continuation du tir ».

 

Cette dernière phase est suivie par un mouvement yudaoshi, « abaissement de l'arc ».

La particularité de la forme l'arc de kyudo induit un mouvement d'ouverture très au-dessus de la tête du tireur. La partie basse de l’arc est courte et forte, elle donne la puissance au tir. La partie haute est longue et plus faible, elle donne la précision au tir. Les deux branches doivent s’équilibrer lors de l’ouverture de l’arc et du départ de la corde. Ces phases doivent être assimilées par le corps du tireur. Elles sont réalisées avec précision et en harmonie avec la respiration de l'archer et lui permettent de réaliser le tir dans les meilleures conditions possibles.

Différentes variantes existent dans les détails de l'ouverture. Elles sont issues des différentes origines du kyūdō. Le tir en bushake issu de la tradition guerrière et le tir en reishake issu du tir de cour. D’autres différences entre l'élévation de l'arc et le début de son ouverture (ouverture latérale ou de face) : shamen-no-kamae et shomen-no-kamae. Mais les fondements dans la répartition des tensions de l'arc pendant son ouverture et le lâché restent les mêmes.

 1_ Ashibumi

L'archer se positionne sur la ligne d'où les flèches seront tirées, de profil par rapport à la cible (appelée « mato », ou la « makiwara ») et tourne sa tête de manière à faire face à la cible. L'arc repose dans la main gauche à hauteur de hanche, et les flèches dans la main droite, à la même hauteur.

Ensuite, l'archer écarte ses pieds de sorte que la distance entre eux soit approximativement égale à la longueur de la flèche (yazuka). Après l'accomplissement de l'ashibumi, l'axe de la cible, la ligne de tir passe devant les orteils de l'archer.

 2 _ Dozukuri

L'archer équilibre et aligne son bassin avec ses épaules. Les deux parties du corps doivent être parallèles à la ligne imaginaire créée pendant Ashibumi. Cette posture est étudiée pour trouver le maximum de stabilité dans les quatre directions : avant arrière et latéralement. De plus, cette mise en place du corps est nécessaire à l’ouverture maximale de l’arc avant le lâché.

 3 _ Yugamae

Cette phase se compose de trois parties consistant en la mise en place des flèches sur l'arc, de la corde et de la vérification des autres objets du tir :

  1. Torikake, saisie du gant (Gake) sur la corde avec la main droite..

  2. Tenouchi, la main gauche est placée d'une nouvelle manière sur la poignée de l'arc pour tirer.

  3. Monomi, l'archer tourne sa tête et regarde fixement la cible.

Le tireur se saisit de la corde et de l'arc avec la flèche et maintient cette saisie jusqu'à la fin du tir.

 4 _ Uchiokoshi

L'archer soulève l'arc au-dessus de sa tête pour se préparer au tir tout en maintenant une respiration régulière pour se préparer à l'« union » ( kai ). « Comme une fumée dans un matin de printemps. »

 5 _ Hikiwake

L'archer commence à abaisser l'arc vers la gauche tout en écartant ses bras, le mouvement doit dessiner un arc de cercle. Le tireur pousse simultanément l'arc avec son côté gauche et tire sur la corde avec le côté droit, jusqu'à ce que la flèche soit au niveau de sa bouche et contre sa joue. La force est aux coudes.

Cette ouverture est aussi balisée avec des points de passage qui sont plus ou moins étudiées suivant les traditions. Ces passages permettent à l'archer de lister au juste moment, les extensions et les tensions:

  1. Daisan ou Sanbun-no-ichi , le bras gauche est entièrement tendu et la lanière du gant ( gake )se trouve au-dessus du front à un poing de distance (2/3 de poussée du bras gauche 1/3 de traction ou de rétention de la main droite).

  2. Sanbun-no-ni  (uniquement pour l'ouverture en "Shamen no kamae") lorsque la flèche est à la hauteur des yeux, l'ouverture est marquée par une pose.

 

  6 _  Kai

    L'harmonie, l'unité entre le lieu, le corps, l'esprit, l'arc, la flèche et la cible. Le tireur continue le mouvement commencé dans la phase précédente. L'archer semble faire une pause pour viser, en réalité il maintient l'extension du corps et de l'esprit dans toutes les directions pour créer une unité entre le corps, l'esprit, le cœur, l'arc, la flèche, la cible... La pointe de la flèche doit suivre la ligne établie pendant l'ashibumi. Par rapport à l’archerie occidentale, la poussée de l’arc se réalise avec l’espace pouce/index, la paume n’intervient pas. Cette extension dynamique doit être suffisamment énergique et efficace pour provoquer le départ de la flèche. Cette phase est étonnamment longue puisque le tireur maintient cette position environ 8 secondes; certains conservent cette extension plus de 20 secondes afin de faire mûrir suffisamment le Kai. La difficulté est d’apprécier cette durée pour que le tir soit ni prématuré, ni trop tardif.

  7 _ Hanare

     Lorsque l'archer atteint l'union parfaite, la corde se libère de la main droite pour propulser la flèche. La flèche part ou se sépare du tireur grâce à l’extension du corps et à l'accumulation de l'énergie. L'arc produit alors un son, le « tsurune », ce son provient de la corde qui percute une plaquette de bois, constituant de l'arc en son sommet. La flèche touche la cible en produisant un autre son : le « tekichu », celui-ci est produit par la pointe évasée de la flèche frappant le papier de la cible tendu comme un tambour. La qualité de ces sons révèle la qualité du tir.

  8 _  Zanshin

    Après le départ de la flèche, l'archer la suit du regard, prêt à toute éventualité. Le corps est maintenu dans l'extension du kaï et en restant en état de concentration. C'est à cet instant, dans cette posture spontanée et aussi grâce au vol de sa flèche que se révèle la vraie nature du kyūdōjin (pratiquant de kyudo) : apparaissent ses intentions ou motivations profondes. Lorsque la flèche part, l'archer ne peut mentir sur sa posture finale qui résulte des tensions et des sentiments qu'il a mis en jeu dans tout le déroulement de l'ouverture de l'arc. Il doit travailler sa détermination afin d'effacer tout élément qui pourrait ternir ce zanshin et le résultat à la cible, c'est-à-dire son mental, son regard metsuke, ses postures kihon

    Cette étape est suivie d'une seconde phase, le yudaoshi. Tout en demeurant dans le tir et dans la continuité du zanshin, l'archer abaisse l'arc pour passer à la flèche suivante en recommençant les hassetsu.

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